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Du cancer dans l'air - Les hydrocarbures aromatiques polycycliques (HAP)


Il y a une bonne nouvelle : les hydrocarbures aromatiques polycycliques (HAP) — ces composés nocifs et cancérogènes qui se trouvent dans l'air que nous respirons — ont diminué au cours des 30 dernières années. Mais à côté de cette avancée, une triste réalité persiste : les émissions liées à la combustion résidentielle de bois (CRB) stagnent. Et c'est un problème que nous ne pouvons plus ignorer.

Pourquoi les HAP sont-ils un enjeu de santé majeur ?

De nombreux HAP sont classés comme cancérogènes par l'Organisation mondiale de la santé (OMS). Les études montrent que l'exposition aux HAP est associée à une augmentation significative des risques de cancer, notamment des cancers du poumon, de la vessie et de la peau. Ces substances pénètrent dans l'organisme par inhalation, ingestion ou contact cutané, et s'accumulent dans les tissus adipeux. Malheureusement, leur persistance dans l'environnement et leur toxicité en font un problème de santé publique majeur.

La biosurveillance de ces substances, notamment celle publiée par Santé Canada en mai 2024, montre que leur impact persiste. Les niveaux de HAP urinaires, mesurés chez les non-fumeurs, restent stables depuis plusieurs années, indiquant que les émissions actuelles continuent d'exposer la population à des risques importants. Les fumeurs, quant à eux, présentent des niveaux beaucoup plus élevés de HAP, ce qui met en lumière l'impact cumulatif des expositions environnementales et comportementales.


Une situation préoccupante dans nos maisons

Les HAP ne se limitent pas à l'air extérieur. Ils jouent aussi un rôle important dans la qualité de l'air intérieur, notamment dans les maisons équipées d'un poêle à bois ou d'un foyer. Ces derniers libèrent des concentrations élevées de particules fines et de composés toxiques, aggravant les risques pour les occupants. Les enfants, les femmes enceintes et les personnes âgées, particulièrement vulnérables, sont exposés à des niveaux de pollution préoccupants, ce qui peut entraîner des maladies respiratoires et des cancers précoces.


Que se passe-t-il au Québec, au Canada et ailleurs ?

Dans toutes les provinces canadiennes, les émissions de HAP associées à la CRB n'ont baissé que de 28 % en moyenne entre 1990 et 2022. Au Québec, cette diminution est encore plus faible : seulement 5 %. Pendant ce temps, tous les autres secteurs ont réussi des progrès significatifs. Les données sont claires : la CRB est le seul secteur qui stagne et pratiquement la seule source qui reste sur laquelle il n'y a eu que peu de progrès.

Malgré les efforts à l'échelle mondiale, la CRB reste une source d’émission dominante au Canada. Une publication récente de l'OMS, rédigée avec la participation de chercheurs d'Environnement Canada, met en lumière cette tendance mondiale. En Europe, la situation est similaire : la CRB est même en léger recul par rapport aux autres, et cela est d'autant plus frappant dans les pays qui ont pourtant adopté des politiques de réduction des émissions. Le rapport de l'OMS souligne que les gains réalisés dans d'autres secteurs, comme le transport et l'industrie, sont contrebalancés par l'absence de progrès dans la gestion des émissions liées au bois de chauffage.


La stratégie actuelle : une fausse solution ?

L'argument de l'industrie repose sur les nouveaux modèles d'appareils de CRB, censés générer moins de HAP grâce à des combustions à plus haute température. En théorie, ça pourrait fonctionner. En pratique, les utilisateurs cherchent souvent à réduire la chaleur excessive en jouant sur les réglages, ce qui compromet l'efficacité de la combustion. Pire encore, les nouveaux appareils ne remplacent pas uniquement les anciens : ils s'ajoutent à un parc d'équipements en croissance constante, dans de nouvelles maisons ou après des rénovations.

La stratégie de remplacement progressif des vieux appareils par de nouveaux n'a donc pas porté ses fruits, les gains théoriques des nouveaux appareils étant possiblement annulés par l'augmentation du nombre total d'unités en circulation. Il est crucial de comprendre que la simple amélioration technologique ne suffit pas. Pour réellement réduire les émissions, il faut réduire le nombre total d'appareils en circulation ou en restreindre l'usage à des situations d'urgence.


Risques excédentaires de cancer : un constat alarmant

Les recherches montrent que l'exposition aux HAP est directement liée à des excès de risques de cancer dans les populations concernées même à des niveaux inférieurs aux seuils réglementaires. Les groupes les plus touchés sont évidemment les habitants des zones rurales et périurbaines, où le feu de bois est souvent utilisé comme activité récréative et de façon secondaire comme chauffage d'appoint.



Et après, on fait quoi ?

Après avoir réduit les émissions des autres secteurs depuis 1990, nous sommes confrontés à une source majeure de pollution que nous avons jusqu'ici négligée : la CRB. Il est temps de poser les bonnes questions. Pourquoi continuer à encourager une pratique qui met en danger la santé publique ? Pourquoi ne pas adopter des politiques qui limiteraient strictement l’usage des appareils de combustion de bois à des situations d'urgence en cas de panne par exemple ou dans des endroits où il n'y a aucun accès à l'électricité ?

Des solutions existent. Le remplacement des appareils de CRB doit être accompagné de politiques qui encouragent des alternatives non polluantes, comme les thermopompes électriques. Les incitatifs financiers, la sensibilisation publique et les normes plus strictes doivent aller de pair pour garantir une transition efficace.


En conclusion

Alors que le Canada et le Québec ont réussi à réduire les émissions dans presque tous les secteurs, la CRB reste une exception. Ce statu quo reflète l'inaction politique et la complaisance des décideurs face à un problème connu et documenté.

Nous ne pouvons plus nous permettre d'attendre. À moins d'adopter une approche proactive et ambitieuse, cette exception continuera à coûter cher en vies humaines et en santé publique. Les HAP dans l'air que nous respirons sont un signal d'alarme. C'est maintenant qu'il faut agir.


Pour approfondir la lecture :



Outil de recherche en ligne des données des inventaires des émissions de carbone noir et de polluants atmosphériques de ECCC: https://pollution-dechets.canada.ca/inventaire-emissions-atmospheriques/?GoCTemplateCulture=fr-CA




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